Cela faisait quelques heures, jours, semaines, mois (non, même ici Marseillais n’est pas nécessairement synonyme d’exagération outrancière alors oubliez cette dernière option), que nous errions sur ce nouveau continent. Humains parmi d’autres humains nous humions l’atmosphère en quête de nouveauté tout autant que de points de repères. Les néons de la ville, la largeur des avenues, comme celle des routes, les briques des murs des immeubles comme les tôles de ceux des maisons, tout ici nous rappelait que nous n’étions plus chez nous, ou que notre chez nous allait nous paraitre bien loin. Pourtant les signes, un peu partout semblaient nous rappeler qu’un passé commun, quelques traits d’union, existaient. Ici une Grenoble Street, là une statue d’un général français, là encore une French Baguette (non celle-là n’est qu’une vague évocation de notre production boulangère nationale) ou ces French Fries (elles pour le coup se révèlent aussi bonnes voire meilleures que les nôtres).
Où pouvait être alors ce point commun, ce fil d’Ariane qui pourrait, même infiniment, mais tangiblement nous rapprocher de notre sol, de notre terre, de nos racines, coincés que nous étions par l’administration américaine de l’immigration.
C’est alors qu’en position fœtale sur notre king size bed d’emprunt, la lumière nous est apparue, à trois heures du matin, mais tel le fœtus qui évolue dans le liquide amniotique, tel le saumon qui nage en quête de ses eaux primales, l’évidence nous est apparue, l’océan nous relie à l’Europe. H2O mon amour, tes molécules nous connecterons avec nos racines. L’eau a sa mémoire (euh, je sais c’est un gros canular, à la véracité scientifique archi démentie, mais c’est une idée tellement poétique, que je ne peux m’empêcher de l’emprunter aux bonimenteurs) et nous avons la nôtre, plongeant dans cet océan qui partage nos côtes, via Gibraltar, et l’immensité de la mer des ténèbres, porté par les eaux, les fragrances de lavande, de sarriette ou encore de fenouil, viendront à nous pour que nous puissions nous en enivrer encore.
C’est « quasiment » sur cette impulsion qu’avant que l’été ne s’achève nous avons entamé la route qui de Silver Spring en passant par la splendide Chesapeake bay, nous a portés à quelques encablures de la Bretagne, quasiment là où les Anglais débarquaient quelques siècles en amont pour eux aussi s’installer dans le coin.
Chesapeake bay est un estuaire de plus de 120 cours d’eau qui s’y déverse. Pardon je devrais dire c’est L’estuaire car il est le plus grand estuaire des Etas Unis. Dans un pays où l’on s’enorgueillie facilement, ne passons pas à côté d’une occasion. Et ne boudons pas non plus une fierté franchouillarde, la France à ici bouté l’anglais hors de ses colonies pendant la guerre d’indépendance, la Royale à fait reculer la Navy dans ces eaux peu profondes.
Mais aujourd’hui c’est un endroit paisible, fait de coins et de recoins où la faune et la flore se jouent de l’eau. Se promener ici à quelques chose d’apaisant, la nature est au calme, rangée derrière la barrière naturelle contre l’océan que forme la péninsule Delmarava, et adossé au terre du continent par le Maryland et sa Potomac river. On se balade en voiture sur les rives de la Chesapeak bay entre joncs et forêts, entre village de pêcheurs et petite ville au charme britannique fin 19eme, entre champs et prairies vierges où paissent des biches et leurs faons sous le regard perçants des aigles pêcheurs.
Découpé, torturé, le rivage dessine des anfractuosités puis égrappes des langues de terres qui se terminent en petites iles. Comme entre Saint Michael, et l’ile Tilgman. Saint Michael, une petite ville aux allures de village de poupées, ce genre d’endroit que les américains adorent forcement, et nous ne manquons pas de tomber sous le charme non plus. Ici l’authenticité n’est pas feinte même si elle parfois un peu soulignée. Tilgman Islan, se rejoins par une petite langue de terre qui se détache de la péninsule et s’enfonce dans les eaux salée et un peu troubles de la baie, avec en toile fonds les porte-containers qui rejoignent le port de Baltimore et devant nous quelques chemins et la nature environnante. Quelque chose entre la Camargue et la baie de seine.
Chesapeake abrite aussi Annapolis, la capitale du Maryland, aussi curieux que cela puisse paraitre tant la cité est minuscule et à l’activité économique centrée exclusivement sur le tourisme, l’administration et l’armée. Ce sont des raisons historiques qui ont fait de cette ville la capitale de l’état, je crois même avoir lu qu’elle a été un temps la capitale des Etats Unis. Qui a dit que ce pays n’avait pas d’histoire ? Et c’est ses allures de témoignage du passé, qui donne son charme à la rue centrale et à la maison du gouverneur, tout en briques rouges et en façades de couleurs.
Au-delà d‘Annapolis, la découverte de la baie s’arrête pour nous. Il est très certainement captivant de continuer la route, mais l’océan nous appelle. Roots !
Alors virant la barre à l’est, nous entamons la traversée de la péninsule, enchainement de champs et de forêts. La ruralité est aussi plus pauvre, dans ce coin de l’Amérique tout du moins. Les villes traversées n’évoquent plus l’Angleterre du 19eme, mais les mobil homes et les chevy rouillées dans l’herbe envahissante. Mais toujours dans le ciel la splendeur du vol des balde eagles.
Et puis,un pont, la baie traversée, des champs et des forêts encore, avant que nous ne le retrouvions, lui que l’on avait quitté à Contis, à Saint Girons, à Saint Jean de Luz, à Brest, et à la Hume. L’océan, le même, vivant, affichant son rythme par le soulèvement de sa poitrine à l’horizon, son souffle dans le déferlement de ses vagues. Même si le sable nous brule les pieds nous traversons la plage pour nous glisser dans ses eaux, les mêmes que celles qui baignent nos côtes.
Et alors que nous perforions les vagues de nos plongeons, alors que sur la rive, du haut de son observatoire, Pamela nous surveillait, telle les CRS sur la côte landaise, ils sont arrivés. Nous étions heureux, ils ont démultiplié notre émerveillement. Nous avions apprécié la vie sauvage sur le trajet, ces dizaines de dauphins qui sont à quelques mètres de nous venus confirmer par leur présence, par leur proximité, qu’ici comme nulle part ailleurs de notre connaissance, la nature est chez elle et la vie sauvage est son étendard.